Bilan des représentations lyonnaises de "Lettres à un ami allemand" par le metteur en scène Fabien Escalona :
La troisième et dernière représentation à l'Espace 44 va bientôt commencer, lorsqu'un monsieur âgé, qui vient de prendre sa place, se dirige vers moi et s'assure que je suis bien le metteur en scène du spectacle. Il m'annonce alors : "je suis le fils de René Leynaud". Stupeur. Emotion. Depuis le début de la semaine, je ne cesse de répéter à qui veut l'entendre à quel point je suis heureux de ce symbole : nous jouons dans les pentes de la Croix-Rousse, au-dessus de la rue René Leynaud, résistant lyonnais abattu par les nazis, et à qui Camus dédia le texte que nous jouons. Et voici que la présence de ce monsieur nous rapproche un peu plus du souffle encore vivant de cette histoire. Il me montre alors un exemplaire des "Lettres à un ami allemand", dont la première page est couverte de l'écriture manuscrite de Camus, qui dédicace l'ouvrage à la soeur de René Leynaud, en lui assurant que René connaissait ces textes, ou tout du moins une partie. Pendant la discussion avec le public qui suit traditionnellement le spectacle, le monsieur qui m'a abordé prend la parole, la voix nouée par l'émotion. Dans la deuxième lettre, Camus fait le récit de onze Français menés en camion "au cimetière où l'on doit les fusiller". C'est dans de telles circonstances que la vie de son père fut volée par la barbarie nazie à laquelle les résistants lyonnais payèrent un lourd tribut.
Inattendue et impressionnante, cette rencontre a eu lieu à la fin d'un beau cycle de représentations, qui s'est admirablement passé grâce à l'équipe de l'Espace 44, qui doit être ici chaleureusement remerciée. Signalons d'ailleurs que le festival Camus auquel nous participions n'est pas fini, puisqu'il se poursuit encore toute cette semaine. Précisons enfin que l'Espace lutte en ce moment pour sa survie, et plus largement pour l'avenir des scènes Découvertes. Celles-ci sont une pièce essentielle du maillage culturel de l'agglomération lyonnaise, à la fois pour les jeunes qui sortent des écoles artistiques de la région, mais aussi pour des compagnies comme la nôtre. Ludovic Jarre, Olivier Quin et Matthieu Billon auront en tout cas fait vivre durant trois soirs un spectacle qui a trouvé un public bienveillant, attentif et intéressé ; ils auront contribué à écrire une belle page dans l'histoire des Aériens.
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